"Je ne savais pas pourquoi, mais jeune, à la sortie de l’école, je passais chaque jour devant une église. Il y avait un petit salon, un endroit réservé à la veillée funèbre. Quelque chose m’attirait là-dedans. Tous les jours, j’y entrais, pour voir le défunt, ressentir ce moment étrange et intime avec des familles inconnues… qui devenaient un peu les miennes.
Le temps a passé. J’ai grandi. Et cette habitude a disparu. À tel point que, des années plus tard, j’ai failli refuser d’y aller pour mon propre grand-père… puis ma grand-mère. J’y suis allé, oui, mais le cœur fermé, à contrecœur.
Et le cimetière ? Encore pire. Un véritable coup de grâce.
Je savais que, malgré mes souvenirs vivants d’enfant, tôt ou tard, comme tout le monde, j’allais oublier. Et c’est ce qui s’est passé.
Aujourd’hui, si je pense à ma grand-mère, il ne reste presque rien.
Les détails, les odeurs, les gestes… tout s’efface.
C’est une sensation terrible de voir que, même avec tout l’amour du monde, on oublie quand même.
En famille, on en parle parfois. Des souvenirs émergent, des rires, des larmes… Puis plus rien. Jusqu’à l’oubli complet.
Je suis kiné-ostéopathe de formation, et aussi tatoueur. Avec le recul, je comprends pourquoi : Je voulais soigner les souffrances, et parfois même les graver dans la peau, pour qu’on n’oublie pas. Pour que ces moments forts, douloureux ou joyeux, laissent une trace.
J’ai quitté mon Brésil natal, Botucatu, pour la Corse, à Oletta. J’ai travaillé, j’ai voyagé, comme un explorateur ancien, souvent sans argent mais toujours avec l’envie de bâtir du sens.
J’ai appris une autre langue. J’ai vu naître mes trois magnifiques enfants. Mais je les ai perdus… à cause de cette quête insatiable de vouloir le meilleur pour eux. Et je les ai oubliés même vivants. Aujourd’hui, nos rapports sont un peu compliqués. Encore une épreuve du feu. Mais pas le feu de la haine. Le feu de la transformation.
Puis, le 5 juin 2022, une voiture a croisé ma route. Elle m’a percuté de plein fouet. Je me suis envolé. Ma tête a frappé un muret. Et, pendant quelques instants, je suis mort. Mais ce n’était pas une mort ordinaire. Quelque chose a changé. J’ai compris la fragilité humaine. Et surtout, j’ai compris une chose fondamentale :
Si j’étais mort ce jour-là, qu’aurais-je vraiment laissé à ceux que j’aime ? Un héritage matériel ? Des papiers ? Une maison ?
Mais où sont mes pensées, mes rêves, ma voix, mon rire ?
C’est là qu’est née l’idée de Mémoires Éternelles.
Créer un lieu. Un outil. Un sanctuaire numérique. Où nos proches pourront nous retrouver. Pas seulement des photos figées ou des vidéos lointaines. Mais une présence. Une mémoire vivante. Une trace éternelle.
L’intelligence artificielle, aujourd’hui, peut nous aider à ça. Elle peut capter nos histoires, nos gestes, nos valeurs, notre voix, notre humour, nos coups de gueule… Et les faire vivre. Pour ceux qu’on aime.
J’ai vu des guerres à la télévision. Des familles mortes sous les bombes. Mais qui étaient-ils ? Que pensaient-ils ? Quels étaient leurs rêves ?
C’est pareil dans les maisons de retraite où j’ai travaillé : On meurt. On emballe. On oublie. Et ne parlons même pas du Covid… On se souvient tous du confinement. Mais pas du rire du voisin décédé.
C’est pour ça que je fais ça. C’est pour ça que j’ai créé Mémoires Éternelles.
Parce qu’avec Mémoires Éternelles, on laisse une empreinte. D’amour, ou de douleur peut-être… Mais une empreinte humaine.
Et dans ce monde d’oubli, cette trace, elle reste. Elle parle. Elle réchauffe. Elle résiste."
